TF 4A_3/2023 du 30 août 2023
Congé abusif; remboursement de frais; art. 336 et 336a CO
Aux termes de l’art. 336 al. 1 let. d CO, le congé est abusif lorsqu’il est donné par une partie parce que l’autre partie fait valoir de bonne foi des prétentions résultant du contrat de travail. Le travailleur n’est protégé contre le licenciement que s’il peut supposer de bonne foi que les droits qu’il a prétendus lui sont acquis. L’exigence de la bonne foi présente un double aspect, protégeant à la fois l’employeur et le travailleur : d’une part, la réclamation ne doit être ni chicanière ni téméraire, car la protection ne s’étend pas au travailleur qui cherche à bloquer un congé en soi admissible ou qui fait valoir des prétentions totalement injustifiées ; d’autre part, la prétention exercée ne doit pas nécessairement être fondée en droit puisqu’il suffit que le travailleur soit légitimé, de bonne foi, à penser qu’elle l’est (rappel de jurisprudence, cons. 4.1).
En l’espèce, la Cour cantonale na pas versé dans l’arbitraire en retenant que la travailleuse avait de bonne foi réclamé le remboursement de ses frais, même si ceux-ci ne correspondaient pas à la réalité, son lieu de travail ayant été artificiellement localisé à Bâle puis à Zurich et non à Genève, précisément pour lui permettre de faire valoir ces remboursements (cons. 5.1.1).
Est stigmatisant, et rend ainsi le licenciement abusif, le fait pour l’employeuse, dans un courrier, de reprocher à la travailleuse d’avoir, pendant plus de deux ans, délibérément présenté de manière fausse ses frais de voyage et méthodiquement contourné les règles afférentes aux frais, qualifiant ces actes de manquements massifs à la loyauté, en assénant ces faits comme étant des évidences, tout comme le fait de brandir la menace de suites pénales, alors que rien dans le comportement de l’employée ne dénotait une quelconque infraction pénale (cons. 5.2).
Concernant le montant de l’indemnité, la Cour cantonale pouvait, pour la fixer à six mois de salaire, prendre en compte l’ancienneté de la travailleuse (dix ans), son absence de faute, les modalités du congé inutilement vexatoires et l’atteinte à ses droits de la personnalité qui en ont résulté. Les juges d'appel n’avaient pas à faire preuve de réserve dans la fixation de l’indemnité pour tenir compte du fait que les juges de première instance avaient tenu le licenciement pour non abusif (cons. 6.3.).
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