Hiver
Salaires; indemnisation; traite d’êtres humains; dommage; art. 4 CEDH; 15 CETEH; 19 LAVI
L’art. 19 al. 3 LAVI prévoit que le dommage aux biens n’est pas indemnisé dans le cadre de la LAVI. Est donc exclue l’indemnisation par la LAVI des dommages matériel et économique (cons. 3.).
Se fondant sur l’arrêt de la CourEDH Chowdury, une partie de la doctrine considère que la Suisse a l’obligation, au sens de l’art. 4 § 2 CEDH interprété à la lumière de l’art. 15 al. 4 CETEH, de mettre en place un système d’indemnisation des victimes de traite d’êtres humains, qui permette la réparation du dommage correspondant au salaire impayé soit par les auteurs de l’infraction, soit, de manière subsidiaire, par l’Etat (au moyen d’une indemnisation subsidiaire du dommage correspondant aux salaires impayés, par une modification de la LAVI ou par la création d’un fonds spécial en dehors de la LAVI) (cons. 4.2).
Selon le TF, il ne ressort pas de la jurisprudence de la CourEDH que l’art. 4 CEDH, même interprété à la lumière de l’art. 15 CETEH, prévoie une obligation positive d’instaurer un mécanisme d’indemnisation subsidiaire par l’Etat des victimes de traite d’êtres humains à hauteur des salaires qu’elles n’auraient pas perçus.
En l’espèce, il n’est pas contesté en l’espèce que le recourant a bénéficié d’une enquête et d’une procédure effectives et qu’il a obtenu une indemnisation pour tort moral.
Au surplus, le recourant ne peut, en l’état, rien tirer de l’art. 15 al. 4 CETEH. En effet, même si cet article impose l’adoption des mesures nécessaires pour assurer l’indemnisation du préjudice matériel des victimes, il ne ressort ni du texte de la disposition, ni du Rapport explicatif y relatif, que le préjudice matériel visé irait au-delà des dommages déjà pris en charge par la LAVI. Celle-ci prévoit en effet que le dommage en cas de lésions corporelles est indemnisé selon les règles du droit civil (art. 19 al. 2 LAVI) ; à ce titre, les frais médicaux et des dommages-intérêts résultant d’une incapacité de travail et/ou d’une atteinte à l’avenir économique de la victime peuvent lui être remboursés. Cela étant, la législation suisse paraît en l’état conforme aux exigences de la CETEH, dont le Rapport explicatif cite, comme seul exemple de préjudice matériel devant être indemnisé, les frais médicaux résultant de l’atteinte. Néanmoins, si le GRETA semble vouloir examiner la question de l’indemnisation des salaires non perçus par les victimes de traite, le Rapport d’évaluation relatif au troisième cycle d’évaluation pourrait apporter certaines clarifications relatives à la notion de préjudice matériel visé par l’art. 15 al. 4 CETEH ; ceci pourrait conduire, le cas échéant, le législateur suisse à se pencher sur la question (cons. 4.3).
Traite d’êtres humains : une victime de travail forcé peut-elle obtenir de l’Etat le paiement de salaires impayés ? ; commentaire de l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_19/2023
Salaires; fermeture d’entreprise; risque d’entreprise; incapacité de travail; covid; art. 82, 91 et 324 CO, 19 LEp, 5-6 O-COVID 2
Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 30 août 2023 : en cas de fermeture d’entreprises décrétée par les autorités dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, les employeurs ne restent pas tenus de payer le salaire de leurs employés, dans la mesure où la perte de salaire n’est pas couverte par une indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail. Le Tribunal fédéral admet le recours d’une école privée contre un arrêt du Tribunal cantonal de Saint-Gall.
Fermeture des entreprises pour lutter contre le COVID-19 : l’employeur était-il en demeure ? ; commentaire de l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_53/2023
Egalité hommes femmes; discrimination salariale; discrimination dans la promotion; expertise; présomption; art. 8 Cst.; 8 CC; 3 et 6 LEg; 247 CPC
Le principe constitutionnel de l’égalité salariale entre l’homme et la femme (cf. art. 8 al. 3, dernière phrase, Cst.) est fondé sur la notion de travail de valeur égale : auprès d’un même employeur, la travailleuse a droit à un salaire égal à celui que touche le travailleur s’ils accomplissent tous deux, dans des conditions égales, des tâches semblables ou des travaux, certes de nature différente, mais ayant une valeur identique (rappel de jurisprudence, cons. 4.1.1).
L’existence d’une discrimination est présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable. L’art. 6 LEg est l’une des dispositions spéciales dans lesquelles la loi ne fixe pas d’emblée le régime du fardeau de la preuve, mais seulement à partir du moment où la partie, qui serait normalement chargée du fardeau de la preuve, rend un élément de fait vraisemblable. Ainsi, lorsque la discrimination est rendue vraisemblable, c’est son absence qui doit être prouvée par l’autre partie. Il appartient donc au travailleur de rendre simplement vraisemblable l’existence d’une discrimination (assouplissement de la preuve par rapport à la certitude découlant du principe général de l’art. 8 CC). La preuve au degré de la simple vraisemblance ne nécessite pas que le juge soit convaincu du bien-fondé des arguments de la partie demanderesse ; il doit simplement disposer d’indices objectifs suffisants pour que les faits allégués présentent une certaine vraisemblance, sans devoir exclure qu’il puisse en aller autrement. Lorsque le travailleur parvient à rendre vraisemblable l’existence d’une discrimination liée au sexe, il appartient alors à l’employeur d’apporter la preuve stricte de l’absence de discrimination. Si l’employeur échoue à le faire, l’existence d’une discrimination salariale doit être tenue pour établie (cons. 4.1.3).
Manière de déterminer si la différence entre les salaires est discriminatoire (cons. 4.1.4).
Il y a discrimination à la promotion prohibée en particulier lorsqu’une femme n’est pas retenue pour une promotion, alors qu’elle est mieux qualifiée qu’un collègue masculin promu ou que les femmes ne sont généralement pas promues à certains postes (cons. 5.1).
En l’espèce, c’est sans arbitraire que la Cour cantonale a décidé
1° que les fonctions de la travailleuse n’étaient pas équivalentes à celle d’un travailleur masculin avec qui elle se comparait (cons. 4.3.1) ;
2° qu’existaient divers facteurs objectifs tels que la formation, l’ancienneté, l’âge et l’expérience professionnelle permettant d’expliquer cette différence salariale avec ses subordonnés, tout en relevant que celle-ci s’était rapidement dissipée, la recourante percevant une rémunération supérieure à tous ses subordonnés par la suite (cons. 4.3.2) ;
3° que les éléments fournis par la recourante ne permettaient pas de rendre vraisemblable le fait que les chefs de service de la division informatique accédaient en principe à la sous-direction deux ans après leur nomination (cons. 5).
Aucune expertise n’était nécessaire (art. 247 CPC) en l’espèce, dès lors que les instances cantonales, avant de se prononcer sur la requête d’expertise, ont procédé à une instruction approfondie de la cause en auditionnant pas moins de dix-neuf témoins, ce qui leur permettait de bénéficier d’une représentation détaillée du fonctionnement des services de la division informatique de l’intimée et des diverses fonctions occupées par les principaux collaborateurs concernés. De plus, les instances cantonales avaient à leur disposition le cahier des charges de la recourante et celui de son collègue, ainsi que les procès-verbaux des entretiens d’évolution de différents collaborateurs de l’entreprise, ce qui leur offrait une image précise des tâches, responsabilités et objectifs des personnes concernées (cons. 6).
Docteure en droit, avocate à Lausanne, spécialiste FSA en droit du travail, chargée de cours à l'Université de Lausanne
Discrimination salariale : le TF aveuglé par le masque de l’arbitraire ; analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_427/2023
Congé abusif; accusations; enquête interne; harcèlement sexuel; garanties de la procédure pénale; art. 35 Cst.; 328 et 336 CO
Contrairement à ce qu’a jugé l’instance cantonale, aucune indemnité pour licenciement abusif n’est due en l’espèce.
Les garanties de la procédure pénale n’ont pas d’effet direct dans les enquêtes internes menées par l’employeur (c. 4.1).
Un licenciement fondé sur des accusations portées par d’autres collaborateurs peut être abusif si l’employeur n’a pas procédé à des clarifications suffisantes avant le licenciement ou si les clarifications ne confirment pas les soupçons (c. 4.2). À l’inverse de ce qui vaut pour la procédure pénale, un licenciement n’est pas abusif du seul fait qu’il repose sur un soupçon, même si ce soupçon se révèle infondé par la suite (c. 4.4.3).
En l’espèce, le travailleur avait eu la possibilité de se préparer à l’entretien et de trouver des éléments à sa décharge ; il avait pu corriger le PV de l’entretien et y apporter une réponse écrite séparée (c. 4.4.1).
Note AW : Le Tribunal fédéral précise la portée à donner à sa jurisprudence inaugurée par l’arrêt 4A_694/2015 : il ne s’agit pas d’appliquer les règles de la procédure pénale aux enquêtes internes menées par les employeurs.
Congé en temps inopportun, protection de la personnalité; harcèlement psychologique, mobbing; art. 4 al. 2 let. g, 20 LPers; 31a OPers; 328, 336c CO
Est conforme au droit le licenciement d’un membre de l’Etat-major qui avait, des années durant, de manière systématique et manifestement à dessein, fourni des informations erronées concernant son activité accessoire au sein du comité directeur de l’Association de la Patrouille des Glaciers et jeté le discrédit sur l’Armée suisse par une déclaration sur LinkedIn (c. 6).
L’art. 336c CO est inapplicable en cas de maladie dans la seule hypothèse où l’atteinte à la santé s’avère tellement insignifiante qu’elle ne peut en rien empêcher d’occuper un nouveau poste de travail, ce que la jurisprudence retient lorsque l’incapacité de travail est limitée au poste de travail (c. 5.1).
Bien que, en principe, constitutifs de harcèlement psychologique, les faits suivants ne le sont pas en l’espèce : le chef du recourant n’aurait pas pris la peine d’appeler l’employé pour prendre de ses nouvelles ; le remplaçant du chef aurait créé un nouveau groupe WhatsApp sans l’inclure ; il n’aurait pas reçu un cadeau en fin d'année, contrairement aux autres membres de l’équipe ; sa place de travail aurait déjà été repourvue. En particulier quant aux reproches dirigés contre certains officiers supérieurs, le recourant ne démontre pas en quoi ils dépasseraient la situation d’un simple conflit dans les relations professionnelles (c. 5.3).
Note AW : Le Tribunal fédéral octroie aux juges du fond un large pouvoir d’appréciation quant à l’existence d’une situation de harcèlement psychologique. Il semble exiger que le harcèlement psychologique dépasse le degré du « simple conflit dans les relations professionnelles ».
Congé abusif; retour de grossesse; art. 328 et 336 CO
En l’espèce, c’est à bon droit que la Cour cantonale a jugé que le congé avait été signifié par l’employeuse en raison des nécessités organisationnelles et du maintien de qualité des services pour les clients, au vu de l’absence prolongée de l’employée et que l’employeuse n’était pas responsable de la dégradation de son état de santé à l’origine de sa longue absence.
En acceptant la réduction du taux de travail à 80 %, consécutive à une incapacité de travail de six mois durant sa grossesse, puis à un congé maternité de l’ordre de trois mois et demi, et à un congé non payé de quatre mois et demi, l’employeuse avait consenti des aménagements adéquats et favorables à l’employée, en tenant compte de la situation et des souhaits de celle-ci. Contrairement à la thèse soutenue par cette dernière, rien ne démontrait que le portefeuille qui lui avait été confié à son retour de maternité avait été constitué par un collègue, avec la bénédiction de leur supérieur commun, afin de favoriser ses propres intérêts. Et il ne lui avait pas été garanti qu’elle retrouverait le même portefeuille qu’avant sa grossesse. Certes, celui dont elle avait hérité à son retour de maternité était d’une valeur moindre, et composé de clients moins intéressants que celui qu’elle avait géré précédemment ; mais cette circonstance n’était pas de nature à révéler un comportement illicite de l’employeuse, libre de déterminer le travail confié à son personnel dans le cadre d’un cahier des charges donné ; l’employée n’avait pas allégué que les tâches à effectuer n’auraient pas relevé de sa fonction (c. 5).
Note AW : Le Tribunal fédéral aménage à l’employeur un large pouvoir de direction pour redessiner les tâches attribuées à une travailleuse revenant au travail après une absence liée à sa maternité.
Docteure en droit, avocate à Lausanne, spécialiste FSA en droit du travail, chargée de cours à l'Université de Lausanne
Maternité et allaitement : les conséquences dommageables des absences liées à la grossesse ; analyse de l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_461/2023
Art. 8, 27 Cst.; 6, 15 LTr; 13 al. 1, 18 al. 1 et 2 OLT 1; 324a, 328 CO; 3 LEg
La pause-toilettes est-elle vraiment une pause au sens de l’art. 15 LTr ? commentaire de l’arrêt du Tribunal neuchâtelois CDP.2024.36 du 2 juin 2024
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