TF 8C_327/2022 du 22 février 2023
Licenciement; vaccination obligatoire, militaire, ingérence, droits fondamentaux; art. 9, 10 et 36 Cst.; 8 et 15 CEDH; 10, 19, 20 et 34b LPers
Le licenciement d’un militaire de l’armée suisse ayant refusé de se faire vacciner contre le covid 19 reposait sur des motifs objectivement suffisants, l’obligation de vaccination étant proportionnée, dès lors qu’il s’agissait de pouvoir détacher immédiatement l’intéressé à l’étranger.
Selon l’art. 20 al. 1 LPers, l’employé est tenu d’exécuter avec soin le travail qui lui est confié et de défendre les intérêts légitimes de la Confédération et de son employeur. L’employé a ainsi un devoir de gestion, qui vise l’accomplissement des tâches publiques, et un devoir de fidélité, dont l’obligation d’obéissance est le corollaire. S’agissant du personnel militaire, cette obligation est inhérente à la structure et à la mission de l’armée, l’art. 32 al. 2 LAAM disposant que les militaires doivent obéissance à leurs supérieurs dans les affaires relevant du service. La désobéissance
à un ordre – pour autant que celui-ci reste dans les limites du contrat et de la loi – peut constituer à tout le moins un motif objectivement suffisant de résiliation du contrat de travail lorsque l’injonction ou la prescription concerne des intérêts importants de l’employeur (cons. 3.2).
Les restrictions graves des droits fondamentaux
doivent être fondées sur une base claire et explicite dans une loi au sens formel, alors que les atteintes plus légères peuvent, par le biais d’une délégation législative, figurer dans des actes de niveau inférieur à la loi, ou trouver leur fondement dans une clause générale. La gravité de l’atteinte se détermine selon des critères objectifs, l’appréciation de la personne touchée n’étant pas décisive, la vaccination constituant une atteinte légère, inoffensive et peu douloureuse à l’intégrité corporelle (cons. 3.4.2).
En tant que militaire professionnel, le recourant se trouve avec la Confédération dans un rapport de puissance publique spécial, qui justifie que les droits fondamentaux et les principes qui en découlent, particulièrement ceux de la légalité et de l’intérêt public, ne puissent y déployer leurs garanties que dans une mesure restreinte. Les fonctionnaires doivent accepter des restrictions à leurs droits fondamentaux qui découlent de leur devoir de fidélité ou de leur devoir de fonction. Dans le cadre d’un tel rapport de puissance publique spécial, a fortiori lorsque la personne y a librement adhéré, une base légale matérielle, telle qu’une ordonnance, est suffisante – pour autant qu’il ne s’agisse pas d’une restriction grave aux droits fondamentaux – si elle peut être rattachée à une base légale formelle même générale (cons. 3.4.4).
Selon la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, la vaccination obligatoire, en tant qu’intervention médicale non volontaire, constitue une ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée au sens de l’art. 8 CEDH. Pour déterminer si cette ingérence viole l’art. 8 CEDH, il faut rechercher si elle est prévue par la loi, si elle poursuit l’un ou plusieurs des buts légitimes énumérés dans cette disposition, et si elle est à cet effet « nécessaire dans une société démocratique ». Une ingérence est considérée comme « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre un but légitime si elle répond à un besoin social impérieux et, en particulier, si les motifs invoqués par les autorités nationales pour la justifier apparaissent pertinents et suffisants et si elle est proportionnée au but légitime poursuivi. Cela étant, le mécanisme de contrôle institué par la CEDH a un rôle fondamentalement subsidiaire ; c’est au premier chef aux autorités nationales qu’il revient de se prononcer sur le point de savoir où se situe le juste équilibre à ménager lorsqu’elles apprécient la nécessité, au regard d’un intérêt général, d’une ingérence dans les droits des individus protégés par l’art. 8 CEDH (cons. 3.5).
En l’espèce, l’art. 7 al. 1 OPers-PPOE constitue une base légale suffisante à la mesure en cause, laquelle peut être imposée au personnel des forces spéciales indépendamment des prévisions de l’art. 35 LAAM, qui vise quant à lui à lutter contre des affections transmissibles ou graves en prévenant un risque élevé d’infection (cons. 5.1).
Le recourant ne conteste pas que la mesure litigieuse soit apte à atteindre le but visé, soit assurer la disponibilité opérationnelle immédiate du personnel militaire du DRA10 pour des engagements au pied levé à l’étranger dans l’intérêt de la Suisse et ne démontre pas que ce but aurait pu être atteint par une mesure moins incisive (cons. 5.2).
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