Toute l'équipe de la Newsletter en droit du travail vous souhaite de bonnes fêtes et une bonne santé pour 2023 !
Wolfgang Portmann, Anne Meier (éditeurs)
Stämpfli Editions SA
L’annuaire du droit du travail 2022 présente un panorama complet de l’année passée sous revue. La jurisprudence fédérale et cantonale, soigneusement choisie par les éditeurs scientifiques, est complétée par une présentation détaillée de la législation fédérale incluant les changements législatifs en préparation, les communications du SECO et celles du Préposé fédéral à la protection des données. La consultation de l’ouvrage est facilitée par un index des matières en allemand et en français.
Le prochain colloque du CERT se déroulera le vendredi 12 mai 2023 à Neuchâtel et aura pour thème "Congés, vacances et temps libre".
Les inscriptions seront ouvertes dès mi-janvier.
Cette newsletter contient la présentation de 16 arrêts du Tribunal fédéral. Elle comprend un commentaire de Me Nathalie Bornoz, avocate, spécialiste FSA en droit du travail sur l'arrêt du TF 4A_548/2021 concernant le for du lieu habituel de travail d'un cadre exerçant son activité dans plusieurs endroits.
Procédure; compétence ratione loci, prud’hommes, lieu de travail, télétravail; art. 34 et 35 CPC
Le « lieu où le travailleur exerce habituellement son activité professionnelle » est celui où se situe effectivement et concrètement le centre de l’activité concernée, les circonstances du cas concret étant décisives (tant du point de vue quantitatif que qualitatif).
Lorsque le travailleur est occupé simultanément dans plusieurs endroits, prévaut celui qui se révèle manifestement central, du point de vue de l’activité fournie. Pour les voyageurs de commerce ou autres travailleurs affectés au service extérieur d’une entreprise qui n’ont aucun point de rattachement géographique prépondérant, on peut retenir un tel lien avec le lieu où le travailleur planifie et organise ses déplacements et accomplit ses tâches administratives (y compris, le cas échéant, son domicile personnel). Le for peut donc se trouver là où l’employeur n’a aucun établissement, ni aucune installation fixe. Il ne faut envisager qu’avec retenue la situation singulière où aucun for du lieu de travail habituel n’est disponible (rappel de jurisprudence, cons. 2.2).
La recherche de ce lieu doit se faire en fonction des liens effectifs que le travailleur a entretenus avec un certain endroit. Le lieu de travail prédéfini dans le contrat cède le pas devant le lieu où le travailleur a effectivement exercé son activité de façon habituelle. En d’autres termes, la manière dont la relation de travail s’est effectivement déroulée prime sur l’accord théorique préalable, que les parties sont libres de modifier. La seule réserve concerne le cas où le contrat n’est pas venu à chef ou n’a pas été suivi d’effet (cons. 4.2).
En cas de travail à distance, par informatique et téléphone, l’endroit (ou les endroits) où était accomplie cette activité est certes digne de considération. Toutefois, il s’agit d’un élément parmi d’autres, voué à s’insérer dans l’appréciation globale des éléments quantitatifs et qualitatifs permettant de désigner le lieu habituel de l’activité (cons. 4.5).
Procédure; art. 34 et 35 CPC
Salaires, licenciement; forme, actes concluants, rémunération convenable; art. 12, 16, 337 et 349a CO
La résiliation d’un contrat de travail n’est pas soumise à une forme particulière. Les parties peuvent cependant convenir de donner une forme spéciale à un contrat pour lequel la loi n’en exige pas (art. 16 CO). Les parties peuvent en tout temps convenir de supprimer la forme réservée. Aucune forme particulière n’est requise en vertu de la loi pour convenir de l’adoption ou de la suppression d’une forme spéciale, de sorte que l’art. 12 CO ne trouve pas application. L’accord peut résulter d’actes concluants (cons. 3.1.2).
En l’espèce, en ne soulevant pas d’emblée le vice de forme au moment où le licenciement lui était signifié, le travailleur a ratifié par actes concluants la suppression de l’exigence de forme que les parties avaient jusque là réservée pour toute modification contractuelle. Sa rétractation, intervenue un mois plus tard, après la consultation d’un nouvel avocat, est le fruit d’un comportement contradictoire contraire au principe de la bonne foi, étant précisé que le licenciement n’est pas protégé par une exigence de forme particulière à laquelle le travailleur ne saurait renoncer (cons. 3.3).
L’idée à la base de l’art. 349a al. 2 CO est d’éviter que l’employeur n’exploite le voyageur en lui promettant exclusivement ou principalement des commissions qui se révèlent par la suite insuffisantes. Une provision est convenable si elle assure au voyageur un gain qui lui permette de vivre décemment, compte tenu de son engagement au travail (Arbeitseinsatz), de sa formation, de ses années de service, de son âge et de ses obligations sociales. La rémunération du voyageur dépend très étroitement des conditions que l’employeur lui fixe pour pouvoir négocier ou conclure des affaires. On doit aussi tenir compte, comme ligne directrice, des usages de la branche (cons. 4.3).
En l’espèce, si le travailleur avait perçu une rémunération faible en vertu de son contrat, ce n’était pas en raison d’une fixation de commissions ne permettant pas d’obtenir une rémunération convenable pour son activité et le temps qu’il y a consacré, mais bien en raison de son incapacité à réaliser des affaires. Dès lors qu’en vertu du même contrat, les collègues du travailleur pouvaient, eux, réaliser un revenu nettement supérieur au sien, les conditions prévues par le contrat de travail ne sont pas en cause. En outre, les prestations fournies n’étaient pas en corrélation avec les instructions reçues (cons. 4.4 et 4.5).
Note AW : Cet arrêt opère deux précisions importantes :
Licenciement abusif; motif; art. 336 CO
Le fait d’assurer à un employé qu’il ne serait pas licencié tout en le licenciant peu après n’est pas abusif en soi, sauf si l’assurance donnée a incité l’employé à prendre des dispositions rendues caduques par le licenciement ultérieur (rappel de jurisprudence, cons. 3.3).
En l’espèce, l’employeuse n’a pas simulé de manière déloyale une volonté de poursuivre le contrat de travail, pour ensuite le résilier par surprise. Seul celui qui n’a pas la volonté de poursuivre un contrat peut simuler une telle volonté, ce qui n’était pas le cas de l’employeuse au moment de l’augmentation du taux d’occupation, augmentation qui indiquait que le licenciement n’était pas encore décidé à ce moment-là (cons. 4).
Congé abusif; congé-représailles, altercation, mesures de protection; art. 336 CO
Congé immédiat; abandon de poste; art. 337d et 341 CO, 2 CC, CTT_agri/NE
Il y a abandon d’emploi selon l’art. 337d CO lorsque le travailleur quitte son poste abruptement sans justes motifs, ce qui présuppose un refus du travailleur de poursuivre l’exécution du travail confié. Lorsque l’abandon d’emploi ne résulte pas d’une déclaration expresse du salarié, il faut examiner s’il découle du comportement adopté par l’intéressé, c’est-à-dire d’actes concluants. Dans cette hypothèse, on se demandera si, compte tenu de toutes les circonstances, l’employeur pouvait, objectivement et de bonne foi, comprendre que le salarié entendait quitter son emploi (rappel de jurisprudence, cons. 4.1).
En l’espèce, le travailleur était en incapacité de travailler et n’a donc pas abandonné son poste (cons. 4.2).
Un abus de droit de réclamer le paiement des vacances et des congés ne saurait résulter du seul fait que le travailleur a signé sans réserve un carnet de quittances (cons. 5).
Convention collective; assujettissement, commission paritaire; CCT du secteur principal de la construction
La question de savoir à quel secteur économique une entreprise doit être attribuée se résout en fonction de l’activité qui la caractérise. Selon le principe de l’unité du droit collectif dans l’entreprise, la CCT est applicable à l’ensemble de l’entreprise, soit également aux travailleurs qui exercent dans un autre métier, sauf si certaines fonctions sont exclues. Plusieurs conventions collectives peuvent être applicables, s’il existe des départements d’entreprise distincts, appartenant à des branches professionnelles différentes et disposant d’une indépendance suffisante, reconnaissable de l’extérieur. L’extension du caractère obligatoire général d’une convention collective de travail a pour but d’introduire des conditions de travail minimales pour toutes les entreprises actives sur le même marché et d’empêcher ainsi qu’une entreprise puisse, en offrant des conditions de travail moins bonnes, obtenir un avantage déloyal. Les entreprises qui sont en concurrence directe, offrant des produits ou des services de même nature, appartiennent à la même classe (rappel de jurisprudence, cons. 5).
Aux termes de l’art. 2 al. 3 let. c de l’arrêté du 15 janvier 2013 du Conseil fédéral étendant le champ d’application de la convention nationale pour le secteur principal de la construction en Suisse (FF 2013 565), les clauses étendues s’appliquent aux employeurs qui exercent leur activité principale (prépondérante), dans le secteur principal de la construction, étant précisé qu’on est en présence d’une activité caractéristique du secteur principal de la construction pour les entreprises de la taille de la pierre et d’exploitation de carrières, de même que des entreprises de pavage.
En l’espèce, l’entreprise, active dans l’exploitation de carrières et la transformation de pierres naturelles, qui était auparavant signataire de la CCT dans la branche granit et pierres naturelles, effectue des travaux postérieurs à l’exploitation de la carrière qui semblent être étroitement liés à la gestion de celle-ci, raison pour laquelle il n’apparaît pas insoutenable de considérer que son activité caractéristique, consistant en l’extraction de la pierre et son traitement ultérieur, relève de l’activité mentionnée à l’art. 2 al. 3 let. c de l’arrêté (à la différence des entreprises se livrant uniquement à la transformation du granit).
Convention collective; assujettissement; art. 357 CO, 2, 3 et 18 CCT du second œuvre romand
Le champ d’application de la CCT-SOR distingue entre la nature de l’activité, qui est fonction de celle de l’employeur (art. 2 CCT-SOR), et le type d’activité, qui est quant à lui déterminé par celle du travailleur (art. 3 CCT-SOR). Dès lors, si l’activité d’un employeur est visée par au moins une catégorie prévue à l’art. 2 CCT-SOR, son ou ses employés sont, en règle générale, soumis à la CCT-SOR, à moins que ceux-ci ne travaillent exclusivement dans les parties technique ou commerciale de l’entreprise (cf. art. 3 al. 2 CCT-SOR) (cons. 3.1.2).
Conclusion, procédure; entretien d’embauche, faits à révéler, procédure pénale; art. 150 et 156 CPC
Lors d’un entretien d’embauche, le candidat peut, selon les circonstances, être obligé de révéler l’existence d’une procédure pénale.
En l’espèce, les éléments qui étaient reprochés pénalement à l’employée, occupant une position dirigeante, constituaient des faits pertinents pouvant légitimer une administration des preuves, en l’occurrence la production de la procédure pénale et l’audition d’un témoin, tout particulièrement au vu de la nature des faits qui ont été reprochés pénalement à l’employée, qu’elle aurait de surcroît commis au détriment d’un ancien employeur (cons. 4.3).
Conclusion; procédure; portée de l’accord contractuel, appréciation d’un témoignage, frais, simulation; art. 29 Cst. et 53 CPC
En l’espèce, le recourant ne saurait déduire d’une éventuelle pratique d’un témoin l’existence d’une convention avec l’intimé différente de celle attestée tant par le « contrat de travail » que par les décomptes de salaire et les relevés horaires. En tant qu’il soutient par ailleurs que le contrat de travail a été simulé, son affirmation ne repose sur aucun fait constaté.
Procédure; autorisation de procéder, succursale, conciliation, élection de domicile; art. 92 et 93 LTF, 160 LDIP, 59, 60, 140 et 199 CPC
Une succursale est un établissement commercial qui, dans la dépendance d’une entreprise principale dont il fait juridiquement partie, exerce une activité similaire, de façon durable et avec ses propres installations, tout en jouissant d’une certaine autonomie financière et commerciale. La succursale doit disposer d’une direction propre, qui puisse conclure, sans intervention de l’entreprise principale, les transactions commerciales qu’implique son exploitation. Au moins l’un de ses collaborateurs doit pouvoir passer de tels actes juridiques. Cette exigence n’empêche pas les dirigeants de l’entreprise principale de représenter eux aussi la succursale – à moins qu’ils n’aient été expressément privés de ce pouvoir. En dépit de cette autonomie relative, la succursale n’a pas d’existence juridique (elle ne peut ni ester en justice, ni être poursuivie, ni même être représentée : les « représentants de la succursale » sont en réalité les représentants de l’entreprise principale). Lorsqu’une société est sise à l’étranger, au moins l’une des personnes autorisées à représenter sa succursale en Suisse doit être domiciliée dans ce pays et être inscrite au registre du commerce (cf. art. 160 al. 2 LDIP) (rappel de jurisprudence, cons. 3.1).
En l’espèce, la société américaine n’était pas tenue d’octroyer à la succursale suisse une autorisation spéciale pour conduire le présent procès, un directeur de la succursale pouvant sans autre agir pour le compte de l’entreprise étrangère ; les indications figurant au registre du commerce étant des faits notoires, la recourante était dispensée de faire des allégations en ce sens (cons. 3.2).
Le demandeur peut renoncer unilatéralement à la conciliation préalable lorsque le siège du défendeur se trouve à l’étranger (art. 199 al. 2 let. a CPC), y compris lorsque le défendeur sis à l’étranger dispose d’une succursale en Suisse (rappel de jurisprudence, cons. 5.2).
Une élection de domicile en Suisse au sens de l’art. 140 CPC est superflue lorsque la partie a un représentant ou une succursale en Suisse où la notification peut valablement s’accomplir (cons. 5.3.2).
Conclusion, protection de la personnalité, procédure; données, transmission, mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles; art. 29 et 30 Cst., 6 CEDH, 261 et 264 CPC
Est rejeté le recours d’un postulant contre le refus de l’autorité cantonale d’accorder des mesures provisionnelles après qu’elle avait octroyé des mesures superprovisionnelles, alors qu’une décision d’embauche avait été annulée avant même l’entrée en fonction du postulant, à cause d’une alerte émise par le système de sûreté de l’entreprise, le postulant ayant demandé la communication des données le concernant, craignant qu’elles ne soient effacées. En effet, le postulant n’avait pas prouvé qu’une suppression automatique des données était programmée.
Procédure; appel, conclusions, formalisme excessif; art. 29 Cst.
Fait preuve de formalisme excessif (art. 29 Cst.), la Cour d’appel qui déclare irrecevable un appel, au motif de conclusions déficientes, lorsque le recourant n’a pas formellement conclu à la réforme de la décision attaquée en ce sens que l’employeuse soit condamnée à lui verser le montant de CHF 8’000, alors qu’une telle requête ressortait clairement et sans équivoque du reste de son appel.
Procédure; préjudice irréparable; art. 120 CO, 122 CPC, 93 LTF
L’arrêt de la Cour d’appel, qui refuse de suspendre la procédure prud’homale, n’est pas de nature à causer un préjudice irréparable à l’employeuse défenderesse, dès lors notamment qu’une partie peut faire valoir une créance par l’exception de compensation même si ladite créance fait l’objet d’une action dans un autre procès.
Congé abusif; avertissement, maladie; CCT Santé 21
Licenciement; motif fondé, arbitraire, bon fonctionnement de l’administration; art. 21ss LPAC/GE, 20 ss RPAC/GE, 9 Cst.
Selon la jurisprudence cantonale genevoise, les motifs de résiliation des rapports de service impliquent de démontrer que la poursuite des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration. L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service. Des manquements dans le comportement de l’employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu’ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l’employé perturbe le bon fonctionnement du service ou qu’il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (cons. 3.4).
En l’espèce, la cour cantonale n’a pas fait preuve d’arbitraire en retenant que la poursuite des rapports de service du recourant n’était plus compatible avec le bon fonctionnement du département RH de la HES-SO Genève (cons. 5).
Procédure; récusation, enquête, partialité; art. 29 et 30 Cst., 6 CEDH, 15 LPA/GE
Pour les autorités non judiciaires, l’art. 30 al. 1 Cst. et l’art. 6 par. 1 CEDH ne s’appliquent pas ; on déduit la garantie d’un traitement équitable et l’exigence d’impartialité de l’art. 29 al. 1 Cst., qui dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement. Les dispositions sur la récusation sont, en principe, moins sévères pour les membres des autorités administratives et gouvernementales que pour les autorités judiciaires. L’apparence de partialité peut découler d’un comportement déterminé d’un membre de l’autorité ou de circonstances de nature fonctionnelle ou organisationnelle (cons. 2.2).
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