TF 4A_488/2021 du 4 mars 2022
Conclusion; contrat conclu avec soi-même, bonne foi; art. 3 CC, 320 al. 3 CO
Le contrat conclu avec soi-même (soit la situation dans laquelle une même personne est doublement partie à l’acte juridique, d’un côté pour son propre compte, de l’autre comme représentante d’autrui) est, en raison du conflit d’intérêts qu’il recèle, nul, sauf si la nature même de l’affaire exclut tout risque de léser le représenté (par exemple, acte conclu aux conditions du marché) ou si le représenté y a consenti par avance ou a ratifié l’acte (rappel de jurisprudence, cons. 5.3.2).
En l’espèce, le président était bel et bien pris en tenailles entre ses propres intérêts et ceux de la société : tandis que celle-ci devait veiller à ses finances et opter pour une rémunération raisonnable et appropriée, celui-là avait tout avantage à obtenir un tel contrat et la rémunération la plus élevée possible. Le fait d’avoir délégué sa signature au directeur général, qui se trouvait à un rang subordonné, implique que ce dernier ne se trouvait pas dans une situation d’indépendance
suffisante. Les protagonistes avaient donc monté un stratagème en vue d’éluder les règles interdisant les contrats avec soi-même. En outre, il n’est pas prouvé que les conditions de rémunération étaient véritablement conformes au marché
(cons. 5.4).
L’art. 320 al. 3 CO présuppose la bonne foi du prestataire de services. L’art. 3 al. 2 CC n’est pas applicable, ce qui implique que l’application d’une relation contractuelle de fait malgré la nullité ne peut être tenue en échec que si le travailleur avait une connaissance effective de l’invalidité, c’est-à-dire de la conséquence juridique du vice affectant le contrat (par exemple, par nécessité de protéger un jeune n’ayant pas l’âge requis pour travailler (art. 30 LTr] ou un travailleur étranger dépourvu d’une autorisation de travail) (rappel de jurisprudence, cons. 6.2).
En l’espèce, le Tribunal fédéral juge que les circonstances entourant le stratagème consistant à donner à un directeur subordonné le pouvoir spécial de signer un contrat de travail au nom de la société permet d’inférer sans arbitraire et sans violer le droit fédéral, que le directeur avait conscience de la possibilité qu’un tel contrat ne fût pas valable, et avait accepté une telle hypothèse pour le cas où elle serait avérée (cons. 6.3.2).
Télécharger en pdf