TF 6B_1020/2018 du 1 juillet 2019
Grève, violation de domicile, diffamation, art. 14, 17 et 173 CP
En cas de violation de domicile, la liberté syndicale ne peut pas constituer un fait justificatif au sens de l’art. 14 CP, lorsque l’accès à l’entreprise s’opère dans le cadre d’une grève illicite
(cons. 2.2).
On ne saurait considérer qu’une action syndicale soit d’emblée conforme à la Constitution, du seul fait qu’elle a été décidée et menée par un syndicat. Cela dit, si le contrôle judiciaire est nécessaire, il ne s’agit en aucun cas pour le juge de favoriser l’une ou l’autre des parties, ni même de restreindre la marge de manoeuvre qui est accordée aux partenaires sociaux. Il ne s’agit donc pas pour le juge de contrôler a posteriori le bien-fondé des revendications des grévistes ou la position de l’employeur. Il appartient par contre au juge de vérifier la réalisation des conditions posées par le législateur et de contrôler si la mesure de combat choisie (la grève) constitue bien une ultima ratio (cons. 2.6.3).
En l’espèce, la CCT Santé 21 ayant été prolongée pendant encore une année, la grève ne pouvait plus être considérée comme l’ultima ratio, puisque les parties disposaient à nouveau du temps nécessaire pour rechercher ensemble une solution (cons. 2.6.3).
La grève étant illicite à tout le moins à partir du 17 décembre 2012, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en estimant que les recourants ne pouvaient se prévaloir de leur liberté syndicale en tant que fait justificatif au sens de l’art. 14 CP, article qui aurait autorisé la violation de domicile qui leur est reprochée (cons. 2.8).
Les membres d’un syndicat doivent pouvoir exprimer devant l’employeur leurs revendications tendant à améliorer la situation des travailleurs au sein de leur entreprise. C’est pourquoi, en vue d’assurer le caractère réel et effectif des droits syndicaux, les autorités nationales doivent veiller à ce que des sanctions disproportionnées ne dissuadent pas les représentants syndicaux de chercher à exprimer et défendre les intérêts de leurs membres. Lorsque l’autorité est appelée à examiner des propos tenus par des responsables d’un syndicat, en rapport avec la situation professionnelle de l’un de ses membres, elle devra rechercher si les propos en cause ont revêtu un caractère vexatoire et blessant qui aurait excédé les limites convenables de la polémique syndicale
(jurisprudence de la CourEDH, cons. 5.1.3).
Le fait qu’un syndicat, dans le contexte de la résiliation d’une CCT, sous-entende, dans un tract identifiable comme tel, qu’un employeur ne respecte parfois pas les règles minimales du droit du travail, ne constitue pas une diffamation
au sens de l’art. 173 CP. Lorsque le syndicat fait référence aux conditions de travail du XIXe siècle, le lecteur moyen comprend manifestement que cette référence fait partie de l’exagération propre à ce type d’écrit dans ce type de contexte (cons. 5.2.2).
Lorsque les propos litigieux figurent dans un tract émanant de deux syndicats, dans le cadre d’un conflit, le lecteur moyen peut s’attendre à une vision partisane des faits et, en ce sens, à une forme de simplification dans la présentation de ceux-ci. En l’espèce, les propos litigieux n’ont pas revêtu un caractère vexatoire et blessant qui aurait excédé les limites convenables de la polémique syndicale (cons. 5.3.3).
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