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Collection lausannoise
Alexandre Richa, Damiano Canapa (éditeurs)
Stämpfli Editions SA
Depuis 2018, l’Université de Lausanne, par l’intermédiaire du CEDIDAC, organise chaque année le colloque « Droit et économie numérique » dédié aux aspects juridiques de la numérisation de l’économie. Le présent ouvrage réunit les actes de conférencières et conférenciers ayant participé aux deux premières éditions.
Le droit des registres distribués et de la blockchain occupe une place particulière dans ce recueil, en raison de son importance pour le marché suisse. Quatre contributions y sont consacrées, qui traitent plus particulièrement des smart contracts, de l’effet disruptif des smart contracts et des decentralized autonomous organizations (DAOs) sur le droit international privé, de la tokenisation des valeurs mobilières et, enfin, de la conservation et du négoce de cryptoactifs. Les trois autres articles abordent les contrats informatiques, les courtiers en crédit participatif ainsi que l’incidence sur le droit de la concurrence des algorithmes et de l’économie numérique. Ces contributions reflètent la variété des sujets examinés lors des colloques.
Cette newsletter contient la présentation de 6 arrêts du Tribunal fédéral.
Salaires; dimanche, jours fériés, interprétation; art. 18 CO
La constatation de la Cour cantonale selon laquelle les heures de travail effectuées le dimanche et les jours fériés devaient être comptabilisées de la même façon que celles accomplies un jour ouvrable est, en l’espèce, loin d’être insoutenable, au regard du texte du contrat et des différents témoignages recueillis. En l’occurrence, il est constant que les impératifs liés aux services de secours (ambulances) impliquaient de travailler régulièrement le dimanche, ce que savaient pertinemment les parties. La travailleuse a consenti à un tel travail, et les parties ont pris en compte l’inconvénient que représente le fait de travailler le dimanche, l’employeuse ayant notamment accordé, à bien plaire, une semaine de vacances supplémentaire. Les critiques émises par la travailleuse, sur un mode appellatoire, qui se contente d’opposer sa propre appréciation du contrat de travail à celle de la Cour cantonale, ne permettent nullement de démontrer que le résultat de l’interprétation subjective de la volonté des parties serait arbitraire (cons. 6.1).
Cf. également les arrêts TF 4A_485/2020 et 4A_487/2020.
Heures supplémentaires, vacances; compensation en nature, libération de l’obligation de travailler, solde; art. 321c, 329d CO
Le salaire normal, qui sert de base au calcul de l’indemnité pour heures supplémentaires, comprend tous les éléments composant la rémunération obligatoirement due par l’employeur, y compris le treizième salaire et les diverses indemnités prévues contractuellement en relation avec le travail. Les parties peuvent prévoir que le treizième salaire sera exclu du calcul (cons. 4.2).
La CCT pour les métiers de la carrosserie prévoit de manière claire, en matière d’indemnisation des heures supplémentaires, de se référer à la pratique de l’entreprise. En l’espèce, celle-ci n’a pas été établie. Il convient dès lors d’appliquer la règle de droit dispositif de l’art. 321c al. 3 CO pour calculer la rétribution des heures supplémentaires effectuées (cons. 4.5).
Lorsque le travailleur est libéré de l’obligation de travailler durant le délai de congé, les heures supplémentaires ne peuvent être compensées par un congé qu’avec l’accord du travailleur. En l’absence d’accord, si la période de libération de l’obligation de travailler se prolonge, le refus du travailleur de compenser ses heures supplémentaires peut être constitutif d’un abus de droit. Il convient de faire preuve de retenue pour admettre un tel abus, car lorsque le contrat est résilié, le travailleur doit bénéficier du temps nécessaire pour rechercher un nouvel emploi. Il s’agira d’apprécier les circonstances au cas par cas, en particulier le rapport existant entre la durée de la libération et le nombre d’heures supplémentaires à compenser (cons. 5.2).
En l’espèce, les heures supplémentaires correspondaient à 3,54 jours de travail et la période de libération hors incapacité au moins à 37 jours ouvrés. La compensation en nature était exigible au vu des circonstances du présent cas et du pouvoir d’appréciation dont dispose la Cour cantonale (cons. 5.4).
Le solde de vacances, correspondant à un peu moins de la moitié de la libération de l’obligation de travailler, reste dans des limites admissibles, au vu de la marge d’appréciation en la matière, et des circonstances bien particulières du cas d’espèce (cons. 6.4).
Clause de non-concurrence; clientèle; art. 340 al. 2 CO
Dans une affaire portant sur la mise en œuvre d’une clause de non-concurrence, le Tribunal fédéral avait annulé un arrêt cantonal et renvoyé la cause à la cour pour qu’elle examine plus en détail si la travailleuse, grâce à sa connaissance des habitudes des clients, était en mesure de proposer des prestations semblables à celles de son ex-employeuse et de détourner sa clientèle. De plus, le lien de causalité entre la connaissance de la clientèle et le préjudice sensible que l’utilisation de ces renseignements était de nature à causer à l’employeur n’avait pas été suffisamment établi.
La Cour cantonale ayant rendu un nouvel arrêt, qui donne une nouvelle fois raison à l’employeuse, la travailleuse invoque, en vain, une violation de son droit d’être entendu.
Egalité hommes femmes; harcèlement sexuel; art. 4 et 5 LEg
Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l’art. 4 LEg ; la répétition d’actes ou l’accumulation d’incidents n’est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (cons. 3.1.1).
La prétention à l’indemnité en cas de harcèlement sexuel, prévue par l’art. 5 al. 3 LEg, se dirige toujours vers l’employeur et ne dépend ni d’une faute de sa part, ni d’un dommage matériel ou d’un tort moral éprouvé par la victime du harcèlement. L’indemnité est fixée en fonction de toutes les circonstances, c’est-à-dire en équité selon l’art. 4 CC. Les circonstances à prendre en considération se rapportent en particulier à la gravité de la violation et à l’importance de l’atteinte à la personnalité causée par le harcèlement sexuel compte tenu de son intensité et de sa durée. Une faute de l’employeur peut également jouer un rôle lors de la fixation de l’indemnité, notamment si l’on peut admettre qu’il avait des raisons de craindre un comportement importun d’un de ses employés, par exemple en raison des antécédents de celui-ci, ou s’il a été dûment informé des faits. L’indemnité revêt en effet un caractère pénal ; son aspect punitif vise à rendre un manque de prévention du harcèlement sexuel économiquement inintéressant pour les entreprises ; n’ayant pas le caractère de dommages-intérêts, ni celui de réparation morale, l’indemnité introduite à l’art. 5 al. 3 LEg est un droit supplémentaire à distinguer d’une éventuelle indemnité pour tort moral au sens de l’art. 49 CO (cons. 3.3.1).
Parmi les éléments à prendre en considération pour fixer l’indemnité au sens de l’art. 5 al. 3 LEg figurent avant tout la nature du harcèlement sexuel subi, son intensité et sa durée. Si une intention de nuire peut peser comme facteur de gravité du harcèlement sexuel, l’absence d’une telle intention ne saurait en atténuer le caractère inadmissible : sauf lorsqu’il s’agit d’établir l’existence d’un chantage sexuel, la motivation de l’auteur est sans pertinence pour la qualification du harcèlement sexuel (cons. 3.3.4).
Casuistique des montants accordés par les juges (cons. 3.3.2).
En l’espèce, les propos tenus à l’encontre de l’employée étaient par exemple : « Si elle a réussi, c’est parce qu’elle a couché ! » ; « Pour moi, les femmes sont biologiquement faites pour fonder un foyer, s’occuper de la cuisine, de l’aspirateur et des devoirs... » ; « Moi, ma femme, il est exclu qu’elle conduise ma voiture ! » ; ou encore « Elle ferait mieux de retourner aligner les catalogues dans une agence de voyages plutôt que de nous faire chier dans notre caserne ! ». Ces actes de harcèlement verbal et non physique (avec violence ou menace) sont une circonstance objective justifiant de considérer que ces actes n’atteignent pas un niveau de gravité comparable à celui des agressions sexuelles. Cela étant, le montant d’un mois de salaire octroyé par le TAF est insuffisant et la cause doit lui être renvoyée pour qu’il calcule un nouveau montant.
L’atteinte à la personnalité inhérente au harcèlement sexuel doit avoir une certaine gravité objective pour que la victime ait droit à une réparation du tort moral au sens de l’art. 5 al. 5 LEg. En règle générale, une atteinte à la personnalité provoquée par des remarques et plaisanteries sexistes ne présente pas ce degré de gravité (cons. 4.2).
Sanctions; avertissement; art. 23 et 53 du Règlement du personnel de la Commune de Chêne-Bougeries
Un avertissement constitue une sanction admissible pour un responsable des agents de police municipale, qui a traité dans un courriel sa cheffe d’« adolescente attardée ».
Ces propos – tenus par écrit et donc dans un mode d’expression permettant une certaine réflexion avant l’émission du message – sont inadmissibles, blessants et parfaitement déplacés. Ils sont clairement incompatibles avec l’obligation de l’intimé d’entretenir des relations dignes et respectueuses avec ses collègues et supérieurs et de renforcer la considération et la confiance dont l’administration communale devaient être l’objet (art. 23 al. 2 RPers). La commune était fondée à considérer qu’une sanction disciplinaire était nécessaire pour maintenir l’ordre, garantir le bon fonctionnement et l’intégrité de l’administration et restaurer, vis-à-vis du public et des autres employés de l’administration, le rapport de confiance qui avait été compromis par la violation du devoir de fonction. Elle a en outre dûment tenu compte des éléments en faveur de l’intimé en prononçant finalement, au lieu du blâme initialement prévu, un simple avertissement, soit la sanction la plus légère prévue par l’art. 53 al. 1 RPers.
Salaires; traitement, suppression d’une indemnité; LTrait/GE
En l’espèce, l’autorité cantonale a considéré à bon droit que l’argumentation du recourant, tirée de l’égalité de traitement avec sept hauts cadres pour lesquels l’indemnité de 8,3% – supprimée par la loi – avait été rétablie, ne pouvait pas être examinée dans le cadre d’un recours contre la décision qui supprimait son indemnité.
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