Droit fiscal : un florilège de textes rédigés par les meilleures plumes
OREF (éd.)
Stämpfli Editions SA
Plus d’une trentaine de contributions produites par les plumes de près de quarante auteurs se retrouvent dans ces Mélanges. Elles ont toutes en commun d’avoir été écrites en pensant à Pascal Mollard. Le carrefour c’est lui. Les sujets sont très variés, puisque beaucoup traitent – évidemment – de la taxe sur la valeur ajoutée, mais d’autres des impôts directs, de la fiscalité internationale, des conventions de double imposition, d’autres aussi de la procédure fiscale. Ces contributions sont le fait de praticiennes et de praticiens de la fiscalité : qu’ils défendent les contribuables, qu’ils représentent les autorités fiscales ou qu’ils siègent dans une Cour fiscale, leurs contributions apportent une pierre à l’édifice de la fiscalité directe et indirecte en Suisse.
Cette newsletter estivale contient la présentation de 15 arrêts du Tribunal fédéral, dont nous vous souhaitons bonne lecture.
Egalité hommes femmes; licenciement discriminatoire; grossesse; art. 3, 4, 5, 6 et 9 LEg
Aux termes de l’art. 3 al. 1 LEg, il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant de femmes, leur grossesse. L’interdiction de toute discrimination s’applique notamment à la résiliation des rapports de travail (art. 3 al. 2 LEg). En cas de congé discriminatoire, l’employeur versera à la personne lésée une indemnité ; celle-ci sera fixée compte tenu de toutes les circonstances et calculée sur la base du salaire ; elle ne peut excéder le montant correspondant à six mois de salaire (art. 5 al. 2 et 4 LEg). Par renvoi de l’art. 9 LEg, la procédure à suivre par la personne qui se prétend victime d’un congé discriminatoire est régie par l’art. 336b CO applicable en cas de résiliation abusive du contrat de travail. Une discrimination est dite directe lorsqu’elle se fonde explicitement sur le critère du sexe ou sur un critère ne pouvant s’appliquer qu’à l’un des deux sexes et qu’elle n’est pas justifiée objectivement. Constitue ainsi une discrimination directe le licenciement notifié à une travailleuse parce qu’elle est enceinte, parce qu’elle souhaite le devenir ou parce qu’elle est devenue mère.
Selon l’art. 6 LEg, l’existence d’une discrimination à raison du sexe est présumée pour autant que la personne qui s’en prévaut la rende vraisemblable. Cette disposition introduit un assouplissement du fardeau de la preuve par rapport au principe général de l’art. 8 CC, dans la mesure où il suffit à la partie demanderesse de rendre vraisemblable la discrimination par l’apport d’indices objectifs. Lorsqu’une discrimination liée au sexe a été rendue vraisemblable, il appartient alors à l’employeur d’apporter la preuve stricte qu’elle n’existe pas. Comme il est difficile d’apporter la preuve de faits négatifs, la preuve de la non-discrimination peut être apportée positivement si l’employeur démontre l’existence de motifs objectifs ne produisant pas une discrimination à raison du sexe.
L’art. 6 LEg précise que l’allègement du fardeau de la preuve s’applique notamment à la résiliation des rapports de travail. En particulier, si l’employée parvient à rendre vraisemblable que le motif du congé réside dans sa grossesse ou sa maternité, il appartiendra à l’employeur de prouver que cet élément n’a pas été un facteur déterminant dans sa décision de mettre un terme au contrat, en d’autres termes, que l’employée aurait été licenciée même si elle n’avait pas été enceinte. Pour ce faire, l’employeur pourra chercher à établir que le licenciement a été donné pour un motif objectif, sans lien avec la grossesse ou la maternité, comme par exemple une réorganisation de l’entreprise ou l’insuffisance des prestations de l’intéressée (cons. 3).
La Cour cantonale a jugé qu’un licenciement notifié dès le retour de congé maternité constituait un indice dans le sens d’une discrimination, conforté par le fait que le supérieur de la salariée, pensant que celle-ci ne pouvait pas avoir d’enfants, avait reconnu sa grande surprise à l’annonce de la grossesse (cons. 4).
Dans ces conditions, il incombait à l’employeuse de démontrer que la grossesse ou la maternité n’avait pas été un facteur déterminant dans sa décision de mettre un terme au contrat. L’employeuse pouvait ainsi chercher à établir que le congé avait une justification objective indépendante de la grossesse ou de la maternité. Pour que le licenciement soit finalement jugé non discriminatoire, il ne suffisait pas à l’employeuse de démontrer que la nouvelle titulaire du poste était objectivement plus compétente que l’employée licenciée. Elle pouvait en revanche chercher à prouver qu’elle disposait d’un motif objectif pour résilier le contrat, à savoir les qualités insuffisantes de l’intimée pour le poste de responsable de la communication (cons. 7.2).
Or, à propos des compétences et prestations de l’employée, la cour cantonale a jugé qu’il n’était pas établi, d’une part, que l’intimée n’avait pas été assez performante pendant les quelques mois où elle avait occupé le poste ni, d’autre part, qu’elle aurait été inapte à mener à bien la nouvelle stratégie de communication invoquée par l’employeuse. En particulier, l’employeuse a, au moment où la salariée partait en congé-maternité, mis au concours un poste qui exigeait tout à coup des compétences spécifiques, alors que seulement quelques mois auparavant elle l’avait attribué à l’intimée en connaissant son expérience limitée dans ce domaine, sans que la raison imposant un changement de stratégie aussi proche dans le temps ne soit établie (cons. 7.2).
Licenciement abusif; montant de l’indemnité; art. 336a CO
Pour le calcul du montant de l’indemnité pour licenciement abusif, l’élément déterminant est le salaire brut, auquel il faut ajouter les autres avantages salariaux de l’employeur tels que les commissions et le treizième salaire. La doctrine prévoit également le remboursement des frais forfaitaires sous forme de rémunération, de primes et d’autres suppléments de salaire (cons. 2). Ainsi, le salaire visé à l’art. 336a CO pour déterminer l’indemnité de licenciement abusif peut être plus élevé que le salaire horaire de base perçu par le travailleur (cons. 2.3).
Si l’employeur veut s’opposer au montant articulé par le travailleur comme représentant six mois de salaire au sens de l’art. 336a CO, il doit le faire explicitement dans ses écritures. Il ne peut se contenter de se fonder sur les critiques qu’il a faites à l’encontre de la façon de calculer le salaire horaire du travailleur.
En l’espèce, l’indemnité octroyée par la cour cantonale est justifiée.
Licenciement; accord sur la transmission de la direction d’une entreprise; art. 337 CO
L’accord, qui prévoyait qu’à partir de l’arrivée du nouveau directeur, l’ancien directeur devait changer de fonction et voir son temps de travail passer à 80 %, visait à conserver un emploi à l’ancien directeur jusqu’à sa retraite. S’il ne s’agit certes pas d’une relation de travail permanente et si un éventuel licenciement ne doit pas nécessairement être justifié par des justes motifs au sens de l’art. 337c al. 2 CO, le motif du licenciement doit néanmoins être suffisamment grave pour que soit donné tout son sens à l’accord conclu entre les parties (cons. 3.5.1).
Le contrat de travail ayant été résilié après l’arrivée du nouveau gérant, le licenciement de l’ancien gérant ne peut être considéré comme licite que si ce dernier s’est comporté d’une manière qui puisse être supposée de bonne foi comme incompatible avec une transmission sans heurts de l’entreprise et une coopération fructueuse par la suite, et qu’un avertissement n’aurait rien changé à son manque de volonté de coopérer. La charge de la preuve en incombe à l’employeur (cons. 3.5.2).
Congé immédiat; preuve des justes motifs; art. 337 CO
Est rejeté le recours contre un arrêt cantonal ayant jugé dépourvu de justes motifs le licenciement immédiat d’un travailleur décidé par l’employeur en raison d’un incident dont la preuve n’est pas apportée, en particulier parce que l’un des protagonistes, bien que plusieurs fois convoqué, ne s’est pas présenté pour témoigner : le Tribunal de prud’hommes n’a pu recueillir que des témoignages indirects qui ne sont pas jugés suffisamment précis et concluants (cons. 6).
Fin des rapports de travail, salaires, contrat-type de travail, heures supplémentaires; obligation de droit public, remise de dette, nullité, preuve des heures supplémentaires; art. 20, 42, 115, 321c, 341, 342 CO, 22 OASA
En tant qu’il fait fi de l’obligation de droit public des employeurs de respecter les conditions salariales et de travail du CTT, l’accord de non petendo signé par les parties se révèle illicite : au regard du but d’intérêt public poursuivi par le droit des étrangers dans ce domaine, la conséquence de cette illicéité ne peut être que la nullité de la convention dans la mesure où elle comporte une remise de dette de la part de l’employée et une renonciation correspondante à agir en justice.
Le TF a déjà eu l’occasion de constater la nullité d’une clause d’un contrat de travail prévoyant un salaire inférieur au salaire fixé par l’autorité administrative en application de l’art. 9 aOLE. Or, s’il ne peut pas convenir avec l’employeur d’un salaire inférieur au salaire garanti selon les règles impératives du droit des étrangers, l’employé ne peut pas non plus renoncer a posteriori à la part non payée de sa rémunération garantie. S’il suffisait à l’employeur de verser un salaire inférieur à celui qu’il s’est engagé à payer envers la Confédération, puis, après la fin des rapports de travail, de conclure avec l’employé une remise de dette portant sur la différence de rémunération, le système instauré en droit suisse dans l’intérêt public rappelé plus haut serait clairement détourné.
Peu importe dès lors que la convention ait été passée plus d’un mois après la fin des rapports de travail (cf. art. 341 al. 1 CO). Les employeurs ne peuvent l’opposer à la prétention de l’employée en paiement du solde de salaire dû selon le CTT. Il s’ensuit que les griefs tirés d’une violation de l’art. 341 al. 1 et de l’art. 342 al. 2 CO sont mal fondés (cons. 4.2).
En outre, il n’y a pas abus de droit de la part de l’employée à réclamer un salaire conforme au CTT après avoir signé la remise de dette (cons. 4.3).
N’est pas entachée d’arbitraire l’appréciation de la Cour cantonale sur les heures de travail effectuées par l’employée : selon les constatations figurant dans l’arrêt attaqué, l’employée a été engagée à plein temps pour accomplir les tâches ménagères, s’occuper d’un, puis de deux enfants en bas âge et préparer les repas ; appliquant l’art. 42 al. 2 CO, la cour cantonale a retenu un horaire de travail journalier d’au moins 12 heures en semaine, de 7 h 30 à 19 h 30, et d’au moins 5 heures le samedi et le dimanche. Ces 70 heures de travail par semaine englobaient 24 heures supplémentaires de 2006 à 2009 et 25 heures supplémentaires en 2010 par rapport à la durée hebdomadaire prévue par le CTT.
L’évaluation de l’autorité précédente est fondée non seulement sur les déclarations de l’intimée décrivant sa journée de travail, mais également sur celles de l’employeuse. Ainsi l’employée a indiqué que sa journée débutait au réveil de l’aîné des enfants auquel elle préparait le petit déjeuner, ce qui a été confirmé par l’employeuse. Celle-ci a confirmé également que la journée de travail de l’intimée s’achevait après le repas du soir, une fois la cuisine rangée et nettoyée. Il ressort en outre des déclarations de la recourante que son époux et elle-même travaillaient toute la journée à l’extérieur. L’intimée se trouvait dès lors seule à la maison avec des enfants en bas âge. La cour cantonale pouvait sans arbitraire considérer que la pause pendant la sieste des enfants entrait dans l’horaire de travail, puisque l’employée n’était alors pas totalement libre de son temps, devant se tenir prête à s’occuper d’un enfant qui se réveillerait plus tôt que prévu.
L’autorité précédente a constaté, sans être critiquée, que l’intimée exerçait son travail à huis clos, qu’elle n’avait pas de contacts avec des voisins ou des amis et qu’elle était confinée dans le domicile de ses employeurs à l’exception de quelques heures les après-midis du week-end. Les employeurs exigeaient qu’elle soit de retour à 18 heures ces jours-là, ce qui tend bien à démontrer qu’elle travaillait aussi samedi et dimanche. Sur la base de ces faits, il n’était pas insoutenable de retenir que l’employée, comme elle l’a déclaré, s’occupait des enfants et du ménage une partie du week-end et d’évaluer ce temps de travail à 5 heures par jour (cons. 5.3.2).
Vacances; calcul en cas de rémunération variable; art. 329d CO
Lorsque la rémunération est variable, le salaire des vacances doit être calculé sur la base des revenus moyens perçus durant une période de temps appropriée (rappel de jurisprudence, cons. 2).
En l’espèce, le montant des provisions relatif aux vacances a à juste titre été calculé de manière forfaitaire par la juridiction cantonale.
Travailleurs détachés; défaut de motivation du recours; art. 42 LTF
Licenciement; droit d’être entendu; art. 29 Cst., 21 LPAC/GE
Une éventuelle violation du droit d’être entendue de l’intimée, qui a été licenciée après le premier mois de sa période d’essai de trois mois, ne saurait revêtir un caractère de gravité tel qu’il empêcherait toute réparation devant une instance jouissant d’un plein pouvoir d’examen. La possibilité de guérir un tel vice ne suppose pas que l’autorité de recours ait la compétence d’apprécier l’opportunité de la décision attaquée, mais bien qu’elle dispose d’un pouvoir d’examen complet en fait et en droit. Or tel est le cas de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (art. 61 al. 1 LPA/GE) (cons. 5.2).
Congé en temps inopportun; grossesse, période d’essai; art. 336c CO, § 10 PG/LU
C’est sans arbitraire que la juridiction cantonale a admis que les parties s’étaient entendues sur une nouvelle période d’essai de trois mois, en raison du changement de poste de l’employée, sur le fondement du § 10, al. 1 PG/LU, qui autorise une nouvelle période d’essai en cas de changement de fonctions. Dans ces conditions, aucune période de protection en raison de la grossesse (cf. art. 336c CO applicable par renvoi du § 24 PG/LU pour les licenciements après la période d’essai) ne devait être octroyée en faveur de l’employée.
Licenciement; réorientation; refus d’accepter un travail convenable; art. 9 Cst.
Comme la Cour cantonale l’a relevé à juste titre, le recourant, désireux depuis un certain temps de changer d’activité au sein des CFF, méconnaît que dans un tel cas de figure, il n’a pas un droit à bénéficier de la possibilité de se réorienter professionnellement dans le cadre de l’art. 162 CCT-CFF (2015) et que, par conséquent, son refus d’accepter le travail convenable offert par les CFF constitue un motif de résiliation de ses rapports de service (cons. 4.2).
Licenciement; suppression de fonction; réintégration; art. 21 et 22 LPAC/GE
Est rejeté le recours interjeté par l’Etat de Genève contre l’arrêt de la Cour de justice qui a annulé l’arrêté du Conseil d’Etat mettant fin aux rapports de travail d’un fonctionnaire et a ordonné sa réintégration.
Selon la jurisprudence cantonale genevoise, la suppression de fonction constitue un cas spécial de licenciement lorsque la personne dont le poste est supprimé n’est pas reclassée dans une autre fonction ; elle doit être justifiée par des motifs objectifs comme, par exemple, la suppression d’un poste d’enseignant ensuite de la diminution des effectifs scolaires ; il peut également se produire que certains services soient supprimés, qu’une rationalisation du travail ou une recherche d’économie rendent des postes de travail inutiles. Toujours selon la jurisprudence cantonale genevoise, une décision de licenciement pour suppression de poste au sens de l’art. 23 al. 1 LPAC/GE est valable pour autant que deux conditions cumulatives soient réalisées : il faut tout d’abord qu’il s’agisse d’une réelle suppression de fonction, justifiée par des motifs objectifs d’organisation de l’administration publique, et non d’un simple prétexte utilisé dans le but de se séparer sans trop de difficultés d’un collaborateur ; il faut ensuite qu’il soit impossible d’affecter le titulaire de la fonction à un autre emploi correspondant à ses capacités et aptitudes professionnelles.
Salaires; modification d’un règlement cantonal; préambule; acte normatif; art. 9 Cst., RPers-FR
C’est sans arbitraire que les juges précédents ont retenu que la recourante avait agi tardivement lorsqu’elle avait réclamé que la partie du préambule d’une ordonnance modifiant le RPers-FR s’agissant des prescriptions sur le travail de nuit et le service de garde, qui déniait toute rétroactivité aux dispositions de ladite ordonnance, ne fût pas tenue pour une décision qui lui fût directement applicable.
Il découle du contenu de l’ordonnance elle-même et de son préambule, que les droits reconnus au personnel concerné ainsi que leur application temporelle – pour la période antérieure au 1er janvier 2010 et pour la période postérieure à cette date – sont dûment énoncés et détaillés. Il ne suffit pas de prétendre que la lettre et la densité du préambule querellé ne permettent pas de lui reconnaître un caractère concret et directement applicable, pour que l’application qu’en a faite la juridiction cantonale puisse être qualifiée d’arbitraire.
Salaires; modification d’un règlement cantonal; préambule; acte normatif; art. 9 Cst., RPers-FR
Vacances; indemnisation; art. 26 aLPol/GE, 27 RPAC/GE
La juridiction cantonale n’a pas violé les droits constitutionnels d’un fonctionnaire de police genevois en rejetant sa demande d’indemnisation aux motifs que les vacances du personnel de police devaient être valorisées en jours, un jour équivalant à huit heures de travail, et non en heures suivant l’horaire planifié.
La notion de « jour de travail » au sens de l’art. 27 al. 3 RPAC/GE n’est pas univoque. Dans le domaine de l’administration de prestations, les exigences de précision sont moins élevées. Le département dispose par conséquent d’une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de cette disposition.
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