TF 4A_64/2018 du 17 décembre 2018
Grève, définition, conditions de licéité, licenciement consécutif à une grève jugée illicite, art. 28 Cst.
La grève est le refus collectif de la prestation de travail due, dans le but d’obtenir des conditions de travail déterminées de la part d’un employeur ; l’exercice du droit à la grève ne touche pas le rapport contractuel en tant que tel, mais consiste en une suspension de la prestation de travail par le travailleur, à laquelle répond une suspension du versement de la rémunération par l’employeur (cons. 4.2).
La licéité de la grève est subordonnée à l’existence de quatre conditions, « inhérentes » à l’exercice du droit de grève ; en tant que telles, elles ne constituent pas une atteinte à la liberté syndicale qui emporterait l’obligation de respecter les exigences de l’art. 36 Cst. (cons. 4.3).
Pour être licite, une grève doit : 1° se rapporter aux relations de travail (porter sur une question susceptible d’être réglée par une CCT) ; 2° être conforme aux obligations de préserver la paix du travail et de recourir à une conciliation ; 3° respecter le principe de proportionnalité
(les mesures collectives de combat ne sont licites qu’au titre d’ultima ratio) ; 4° être appuyée par une organisation de travailleurs
ayant la capacité de conclure une convention collective de travail (cons. 4.3.1-4.3.4).
En l’espèce, la grève est jugée licite jusqu’au 23 janvier 2013 au plus tard, date à partir de laquelle les grévistes ont fait valoir une revendication politique (au sens large) : la grève a alors poursuivi essentiellement des objectifs ne visant plus la relation de travail, mais la personne du repreneur de l’Hôpital. Il en résulte que la première condition de licéité d’une grève n’était plus remplie (cons. 5.2).
En outre, le maintien de la CCT jusqu’à la fin de l’année 2013 accordait aux employés un instant de répit qui leur permettait de faire valoir leurs revendications par une mesure moins incisive que la poursuite de la grève. Ils ne pouvaient alors plus refuser de reprendre le travail en justifiant leur position par la perte d’un moyen de pression indispensable pour amener à la reprise des négociations sur une (nouvelle) CCT, puisque l’Hôpital avait accepté cette reprise des négociations, contrairement aux grévistes (cons. 5.3).
Lorsque la grève est illicite, cela ne signifie pas encore automatiquement que les travailleurs qui y ont participé puissent être licenciés avec effet immédiat : le juge demeure tenu d’examiner l’ensemble des circonstances qui ont conduit au licenciement.
En l’espèce, l’employeuse pouvait raisonnablement considérer le rapport de confiance comme rompu, car elle avait indiqué sa position juridique lors d’entretiens individuels, avait donné un avertissement clair, avait tenu des entretiens avec les employés assistés de leur avocat avant la notification de leurs licenciements et, à six reprises, avait donné la possibilité aux grévistes d’être réintégrés s’ils acceptaient de suspendre immédiatement la grève (cons. 6).
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