TF 6B_673/2019 du 31 octobre 2019
Protection de la personnalité, homophobie, art. 3, 8 et 14 CEDH, 177, 180, 181 et 261bis CP
La CourEDH a jugé que, lorsqu’une personne soutient de manière défendable qu’elle a subi un harcèlement à caractère raciste, notamment des insultes et des menaces physiques, les États se doivent, en vertu de l’art. 8 CEDH, de prendre toutes les mesures raisonnables pour déterminer s’il existait un mobile raciste et si des sentiments de haine ou des préjugés fondés sur l’origine ethnique avaient pu jouer aussi un rôle dans les événements, cela même lorsque le traitement n’atteint pas le degré de gravité requis par l’art. 3 CEDH. Selon la jurisprudence de la CourEDH, l’orientation sexuelle
relève de la protection de l’article 14 : insulter ou ridiculiser une personne en raison de son orientation sexuelle constitue une discrimination aussi grave que celles fondées sur la race, l’origine ou la couleur (cons. 3.1.1).
En droit interne, l’extension de la norme antiraciste de l’art. 261bis CP aux discriminations fondées sur l’orientation sexuelle, adoptée par le Parlement le 14 décembre 2018, traduit la volonté de réprimer de la même manière les actes discriminatoires fondés sur l’appartenance raciale, ethnique ou religieuse, et ceux fondés sur l’orientation sexuelle (cons. 3.1.2).
Les expressions, gestes ou images dépréciatifs portant sur l’orientation sexuelle peuvent être constitutifs d’injure (art. 177 CP), dans la mesure où ils expriment le mépris. En outre, celui qui aura volontairement fait redouter à sa victime la survenance d’un préjudice réalise l’infraction de menace au sens de l’art. 180 CP. Enfin, le droit suisse réprime la contrainte par « stalking » (art. 181 CP), soit la persécution obsessionnelle d’une personne durant une période prolongée (cons. 3.1.2).
En l’espèce, le Ministère public genevois n’aurait pas dû refuser d’entrer en matière sur la plainte déposée par un employé qui avait indiqué :
- qu’un responsable de l’entreprise lui avait confié qu’il risquait de perdre son travail à cause de ses manières « efféminées » ;
- qu’un collègue l’avait traité de « folle » durant un service ;
- qu’un autre collègue lui avait fait des commentaires déplacés quant à ses manières et une blague homophobe contenant notamment le terme de « PD » ;
- qu’en présence d’une partie des employés, un troisième collègue lui avait demandé s’il ne pouvait pas marcher comme tout le monde, ce qui avait fait rire le personnel présent, qui s’était moqué de lui ;
- que ce même collègue s’était montré agressif en criant sur lui et en le menaçant « Je vais te buter la gueule ! » ;
- que le directeur n’avait pas participé mais n’avait également rien fait pour que cela cesse, alors qu’il était au courant.
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